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No-code français : faut-il vraiment choisir « local » ? (Spoiler : c’est plus nuancé que ça)

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On entend souvent : « Existe-t-il un équivalent européen à Bubble ? », « Peut-on avoir Airtable avec résidence des données en UE ? », « Travaillez-vous avec des outils français ? ».
Ces questions sont légitimes. Souveraineté, conformité, maîtrise du risque, soutien à l’écosystème : tout cela compte. Mais le sujet est plus granulaire qu’un simple “local vs. non-local”. Voici un tour d’horizon utile pour décider, sans dogme.

Ce que recouvre réellement la “souveraineté”

  • Juridiction : à quelles lois obéit l’éditeur (US, UE, France) ?

  • Localisation : où résident les données et quels sous-traitants interviennent ?

  • Réversibilité : peut-on sortir sans tout reconstruire ?

  • Auto-hébergement : a-t-on l’option, au moins pour les briques sensibles ?

  • Conformité sectorielle : en santé (FR), par exemple, l’hébergement HDS est déterminant.

À retenir : RGPD ≠ souveraineté. On peut être “RGPD-compliant” sans maîtriser juridiction, transferts et journaux techniques.

Panorama des briques françaises et européennes

Baserow (EU, NL) — base de données type Airtable, open-source

Forces : auto-hébergeable, interface familière, réversibilité.
Limites : écosystème et intégrations plus restreints qu’Airtable.
Usage : bases relationnelles visuelles quand la maîtrise prime.

NocoDB (EU) — interface no-code au-dessus de votre SQL

Forces : pas de lock-in (Postgres/MySQL restent sources), souverain en self-host.
Limites : nécessite un minimum d’exploitation/maintenance.

WeWeb (FR) — front no-code exportable

Forces : export HTML/CSS/JS et self-hosting ; on sépare le build (SaaS) du run (hébergeur FR/EU).
Usage : front applicatif relié à une API/BD maîtrisée.

Forest Admin (FR) — back-office/ops low-code

Forces : les données restent chez vous via un agent local ; RBAC, SSO, traçabilité.
Usage : bases sensibles (finance, santé, secteur public).

Strapi (FR/EU) — CMS headless open-source

Forces : auto-hébergeable, extensible, API-first ; maîtrise du contenu (code, schéma, base).
Usage : contenu et données applicatives sous contrôle.

GoodBarber (FR) — apps mobiles no-code

Forces : positionnement RGPD clair, hébergement en UE côté éditeur.
Usage : apps vitrines, média, e-commerce contenu.

Brevo (ex-Sendinblue, FR) — emailing & marketing automation

Forces : acteur européen majeur, résidence UE pour le cœur de l’offre (vérifier modules/sous-traitants).

Zyllio / Ksaar (FR) — apps métier / portails clients

Forces : orientation B2B, support en français, cas d’usage concrets (process internes, espaces clients).

Automatisation : où en est-on vraiment ?

  • Make (ex-Integromat) : origine tchèque, groupe européen. Choix de région US/EU au niveau de l’organisation (à décider dès la création). UX, pricing et gestion d’erreurs souvent en avance sur Zapier.

  • n8n (DE) : open-source, self-host complet. Plus technique, mais souverain et extensible.

Les “absents” et les options entreprises

Il n’existe pas d’alternative française de maturité équivalente à Bubble (web apps complexes) ou Webflow (sites marketing).
Nuances importantes :

  • Bubble Enterprise peut proposer choix de région (environnement dédié).

  • Airtable et Zapier offrent des options EU sur certaines offres Enterprise.
    Dans tous les cas : lire le DPA, vérifier la liste des sous-traitants, comprendre ce qui transite (support, télémétrie, IA, CDN).

Coûts cachés d’un “local d’abord”

  • Fonctionnalités/écosystème : moins de plugins et d’intégrations peut ralentir les équipes. Ce coût s’efface si la sensibilité/conformité impose le souverain.

  • Opportunité : leaders US = templates, tutos, agences… Aller plus vite a une valeur.

  • Pérennité : startups locales (pivot/financement) vs. leaders établis (lock-in). Dans les deux cas, la réversibilité doit être cadrée.

Quand choisir français/européen a vraiment du sens

  1. Conformité stricte : santé (HDS), finances, secteur public, secrets industriels → open-source + self-host sur hébergeur FR/EU (et certifications requises).

  2. Personnalisation profonde : Strapi, Baserow, n8n permettent d’étendre/auditer.

  3. Support & proximité : langue, fuseau horaire, compréhension réglementaire.

  4. Écosystème : choix assumé pour soutenir l’innovation EU, si le rapport coût/risque reste cohérent.

Deux stratégies qui fonctionnent

1) Architecture “hybride”

  • Front web : WeWeb → export → hébergement FR/EU (OVHcloud, Clever Cloud…).

  • Contenus & API : Strapi auto-hébergé (conteneurs) → base sous votre contrôle.

  • Back-office : Forest Admin (agent local).

  • Automatisation : Make (organisation EU) ou n8n self-host.

  • Mobile : GoodBarber (vérifier DPA/sous-traitants selon modules).

  • Observabilité : logs, métriques, sauvegardes, PRA chez un hébergeur FR/EU (et certifications si nécessaire).

2) “Zones” de données

  • Zone rouge (santé, RH sensibles, secrets industriels) : open-source/self-host + hébergeur FR/EU certifié.

  • Zone grise : arbitrage au cas par cas (contrat, DPA, coûts, vitesse).

  • Zone verte (vitrine/marketing) : priorité à la vélocité, tout en maîtrisant les pixels et transferts.

IA : un possible rééquilibrage

Les modèles IA sont accessibles (OpenAI, Anthropic, Mistral). Un éditeur européen peut intégrer les mêmes capacités tout en garantissant une résidence UE. Atout concurrentiel à suivre de près.

Recommandations par profil

Startup (données non sensibles)
Bubble + Make (organisation EU) + Airtable, avec plan de sortie documenté.
Alternative : Baserow si la réversibilité prime dès le début.

Startup/PME (données sensibles)
WeWeb (export) + Strapi/Baserow self-host + n8n self-host, hébergeur FR/EU (HDS/SecNumCloud selon périmètre).

Entreprise régulée / grand compte
Open-source + auto-hébergement + clauses contractuelles strictes (DPA, sous-traitants), certifications (HDS/SecNumCloud) si exigées.

Agence conseil
Maîtriser les deux mondes : Make et n8n ; Airtable et Baserow ; WeWeb et Webflow. Recommander selon sensibilité/risque/écosystème.

Conclusion

La souveraineté n’est pas un badge, c’est une position d’architecte.
Découpler le build du run, garder la main sur le contenu et la base, planifier la réversibilité dès le jour 1, tester la restauration : voilà ce qui protège vraiment.
Choisir “local” a du sens quand le risque l’exige ; choisir la vélocité a du sens quand la donnée est peu sensible. Ce n’est pas du relativisme : c’est du pragmatisme éclairé.

Pour aller plus loin

  • Auditer la stack actuelle (juridiction, localisation, réversibilité).

  • Définir les zones de données et les exigences associées.

  • Lancer un pilote : front WeWeb exporté + Strapi auto-hébergé + automatisation Make (EU) ou n8n self-host.

  • Formaliser DPA, liste des sous-traitants, PRA et clauses de réversibilité.